Marthe Robin
POSTULATION DE LA CAUSE
DE CANONISATION
Éléments sur la vie de Marthe Robin
et son procès de canonisation
Par Sophie Guex, postulatrice
Rome / Châteauneuf-de-Galaure
le 30 septembre 2020
Marthe Robin
Un magnifique témoin d’espérance
Préambule
Les éditions du Cerf ont annoncé récemment la publication, prévue le 8 octobre 2020, d’un livre du père Conrad De Meester, intitulé La fraude mystique de Marthe Robin. Religieux carme décédé en décembre 2019, l’auteur fut l’un des 28 experts sollicités pour le procès de béatification de Marthe Robin, au titre de spécialiste des écrits de Thérèse de Lisieux et Elisabeth de la Trinité. Il a été chargé, à ce titre, d’examiner et évaluer les écrits de Marthe Robin .
La postulation n’a pas eu accès au texte de cet ouvrage, dont la primeur a été réservée à deux média, dont Paris-Match. Cependant, selon nos informations, cet ouvrage reprend pour l’essentiel les thèses contenues dans le rapport adressé en 1989 – et complété en 1994 – par le père De Meester à Mgr Didier-Léon Marchand, président de la commission d’enquête diocésaine. Á ce stade, la postulation ne sait pas si le père De Meester a inséré dans son ouvrage des éléments nouveaux. Si c’est le cas, la postulation prendra le plus grand soin de les étudier sérieusement.
En tout état de cause, le rapport De Meester, défavorable sur certains points et favorable sur d’autres points, a été étudié de manière complète et précise dans le cadre de l’enquête en canonisation et mis en balance avec les autres expertises. Les thèses défavorables du rapport De Meester n’ont pas été retenues et, au terme de l’étude de l’ensemble des pièces, témoignages et expertises, l’Église catholique, par l’autorité du pape François, a déclaré en 2014 les vertus héroïques de Marthe Robin, ouvrant la voie à une possible béatification. Par cet acte, le jugement de l’Église a reconnu l’authenticité de la vie chrétienne de Marthe Robin.
Compte-tenu de l’annonce de la publication prochaine d’un ouvrage accusant Marthe Robin de fraude mystique, de l’importance de cette figure spirituelle dans la vie de l’Église de France au XXe siècle, de son rayonnement international et de l’importante dévotion populaire dont elle est l’objet, la postulation juge utile d’éclaircir certains points de la vie de Marthe Robin et de son procès de canonisation. Il est important en effet de resituer les thèses du Père De Meester dans l’ensemble de l’enquête. Isoler une expertise défavorable parmi les 28 expertises d’un procès, donne une vision partielle de ce procès et ne permet pas de connaître de manière complète les éléments décisifs qui ont conduit au verdict de l’Église concernant les vertus héroïques de Marthe Robin.
Le présent texte, rédigé par la postulation, ne constitue pas un simple avis personnel de la postulatrice Sophie Guex, mais se fonde sur les éléments décisifs présents dans la positio de Marthe Robin, c’est-à-dire le document qui a servi de fondement à l’Église catholique pour juger favorablement de l’authenticité de sa vie chrétienne.
La postulation répond ainsi, par ce document se fondant sur la positio (laquelle traite les objections du rapport De Meester) aux accusations de fraude mystique et réaffirme pourquoi Marthe Robin est un magnifique témoin d’espérance : à partir d’une vie cassée, elle a rayonné, elle a pu aimer et accompagner des milliers de personnes, particulièrement à travers l’œuvre des Foyers de Charité, dont la mission et les fruits sont largement reconnus dans l’Église. Ce document de la postulation rappelle également quelle est la substance d’un procès de béatification (définition, étapes, acteurs, etc.) et met en perspectives les éléments-clés du procès de Marthe Robin (chronologie, postulateurs, experts, témoins, conclusions de la positio, jugement de l’Église catholique).
La postulation souhaite que ce document puisse éclairer ceux – prêtres, laïcs et consacrés de l’Église catholique, membres et amis des Foyers de Charité, journalistes, etc. – qui s’intéressent à la figure spirituelle de Marthe Robin et souhaitent avoir une vision ajustée de certains aspects de sa vie et des conclusions générales du procès pour la phase de reconnaissance de l’héroïcité de ses vertus.
Le processus de canonisation : une véritable enquête |
Parmi toutes les personnes qui sont mortes et vivent auprès de Dieu pour l’éternité, l’Église catholique choisit de mettre certains saints en lumière pour servir de modèle de foi, d’espérance et de charité ; et permettre aux fidèles de se confier publiquement à leur prière : les saints intercèdent pour nous auprès de Dieu. L’Église appelle cela la sainteté canonisée. Pour reconnaître la sainteté d’une personne, l’Église met en route une véritable enquête où les
avis favorables et les objections sont entendus (on parlait autrefois de « procès »). L’objectif est de rechercher la vérité sur le candidat et de pouvoir atteindre une certitude morale.
Les phases d’une enquête en canonisation
Il existe trois parcours possibles pour une enquête en canonisation, selon la vie de la personne : la reconnaissance du martyre, la reconnaissance de l’offrande de vie, la reconnaissance de l’héroïcité des vertus. La Cause de Marthe Robin a suivi le parcours de reconnaissance de l’héroïcité des vertus. Le but est de vérifier l’authenticité de la vie chrétienne de la personne et d’attester qu’elle a vécu les vertus chrétiennes dans une mesure nettement supérieure à la moyenne.
L’enquête comporte trois étapes :
1 – La phase préliminaire
2 – La phase diocésaine
3 – La phase romaine, qui comporte elle-même trois étapes
– La reconnaissance de l’héroïcité des vertus
– La béatification
– La canonisation
Le verdict de l’Église
Tout au long de la procédure, les acteurs du procès examinent la progression de la personne, cherchent à comprendre comment elle a laissé agir la grâce de Dieu en elle. Le jugement final de l’Église est ainsi préparé par une longue et belle procédure, précise et rigoureuse, rassemblant une épaisse documentation et impliquant de nombreux témoins et experts, qui permet d’avancer dans la connaissance d’une personne pour prononcer un jugement en connaissance de cause.
Concernant Marthe Robin, l’Église catholique a achevé l’étape de la reconnaissance de l’héroïcité des vertus en 2014. Cela signifie que l’Église atteste de l’authenticité de la vie chrétienne de Marthe Robin. Après vérification du travail diocésain, la Congrégation pour les causes des saints a nommé un rapporteur chargé d’établir, avec le postulateur, la positio, c’est-à-dire le document de référence sur lequel se sont appuyés les experts chargés de se prononcer sur la cause, préparant ainsi le verdict du pape. C’est ensuite le pape François qui a engagé son autorité en reconnaissant l’héroïcité des vertus de Marthe Robin.
L’étape suivante est la béatification : elle implique la reconnaissance d’un miracle, advenu après la mort du candidat et obtenu par son intercession. La reconnaissance d’un miracle est considérée comme le « doigt de Dieu » qui vient confirmer l’opportunité de la chose. Pour accéder plus tard à la canonisation et être appelé « saint », un autre miracle est encore nécessaire, advenu après la béatification.
Le procès de Marthe Robin
L’étape diocésaine (1986 – 1996)
1986 Demande par les Foyers de Charité de l’ouverture du procès à Mgr Marchand,
évêque de Valence (diocèse de Marthe Robin), nomination d’un postulateur, le père Jacques Ravanel.
1988 Création d’une commission d’enquête et nomination des premiers experts,
dont le père De Meester, audition des premiers témoins.
1991 Décret épiscopal d’ouverture de la cause de canonisation.
1992 Poursuite de l’audition des témoins et désignation d’experts supplémentaires.
1996 Clôture du procès diocésain et transfert du dossier à Rome (Congrégation des causes
des saints).
L’étape romaine (1996 à nos jours)
1996 Nomination du père Bernard Peyrous comme postulateur de la cause romaine.
1998 Décret de validité attestant la régularité de l’étape diocésaine ; nomination d’un rapporteur
de la cause.
1998 à 2010 : Élaboration de la positio (document de référence sur lequel se fonde la déclaration des vertus héroïques).
2012 Soumission de la positio aux consulteurs théologiens.
2014 Soumission de la positio aux cardinaux et évêques membres de la Congrégation des causes des saints.
7 novembre 2014
Le pape François prononce l’héroïcité des vertus de Marthe Robin. Depuis,
le dossier d’une guérison est à l’étude pour une reconnaissance de miracle.
2018 Nomination de Sophie Guex comme postulatrice.
CHIFFRES CLÉS · 3 postulateurs successifs : Jacques Ravanel, Bernard Peyrous, Sophie Guex |
LA POSITIO : CONFIRMATION PAR L’ÉGLISE CATHOLIQUE DE L’AUTHENTICITÉ DE LA VIE CHRÉTIENNE DE MARTHE ROBIN |
Les éclairages apportés dans cette note se fondent sur les résultats de l’enquête en canonisation de Marthe Robin et sur la positio, document qui a servi de fondement à l’Église catholique pour juger favorablement en 2014 de l’authenticité de sa vie chrétienne (déclaration par le pape François de l’héroïcité de vertus de Marthe Robin).
Les conclusions générales du procès à ce jour
Ce n’est ni pour les stigmates, ni pour l’absence de nourriture que le pape François a déclarée Marthe Robin « vénérable » en 2014. C’est pour la manière dont elle a vécu une authentique vie chrétienne, un don profond à Dieu dans les conditions particulièrement difficiles qui ont été les siennes. En effet, la vie spirituelle de Marthe Robin, les étapes du développement de ses vertus, se sont déroulées non pas à côté de sa maladie, mais au sein même de celle-ci. Elle a assumé sa vie malgré toutes ses limites, et elle est devenue un instrument efficace dans les mains de Dieu, sans quitter son lit de malade. Le rayonnement de sa vie et les fruits tangibles de son œuvre montre
que Dieu a agréé son offrande.
Á partir d’une vie cassée, elle n’a cessé de transmettre l’amour, l’espérance, la joie à ceux qui venaient à elle. Elle est restée simple, remplie d’humour, de bon sens et enracinée dans l’essentiel : donner l’amour à ceux qui venaient à elle et leur permettre de trouver Dieu, un Dieu proche et aimant, dans leur propre vie. Cette femme est un modèle qui nous est proche : on ne choisit pas ses épreuves, mais prenant conscience que Dieu les vit avec nous, à notre côté, on peut choisir la manière de les vivre, pour rayonner Le message essentiel de Marthe Robin est que l’union à Dieu, qui est la sainteté, est possible dans toutes les conditions de vie, même les plus contraignantes et difficiles.
Marthe Robin peut inspirer les hommes et les femmes d’aujourd’hui par son exemple de vie chrétienne, sa vie intérieure, son expérience de la tendresse de Dieu comme Père, son amour de la Vierge Marie, sa fidélité à l’enseignement de l’Église, son sens de l’avenir de l’Église et sa vision positive du monde. Elle a vécu la perfection chrétienne à sa manière, simple, humble et joyeuse.
Trois traits caractéristiques de son chemin de sainteté ont été particulièrement soulignés :
· son intimité avec le Seigneur ;
· sa charité sans défaut, pleine de compassion et de discernement ;
· son sens de l’Église, qu’elle aimait intensément et à laquelle elle se remettait toujours.
Étude de différents aspects de la vie de Marthe Robin
Le père De Meester a posé des questions qui ont été utiles pour le procès, même si les autres experts ont apporté des réponses et des conclusions différentes des siennes. Ces questions ont permis de nuancer l’image d’une Marthe exclusivement mystique, presque «extra-humaine». Les experts ont ainsi pu mettre davantage en lumière sa dimension humaine. C’est ainsi que le procès en canonisation de Marthe Robin a fait apparaître une réalité plus précise et complète que ce qui était couramment dit sur elle, notamment pour ce qui est de sa maladie. Cette réalité plus précise est publique depuis bientôt 15 ans, elle a été abordée dans les ouvrages émanant de la postulation. Au terme des recherches, la radicalité du don de sa vie resplendit avec encore
davantage de lumière.
A. Sa maladie et de son évolution
Marthe Robin a été atteinte d’une encéphalite ayant lésé la région basale du cerveau, selon un diagnostic posé en 1942 et notifié dans un rapport dont la qualité, relativement aux connaissances de l’époque, a été établie par les médecins consultés lors du procès.
Le procès en canonisation a montré que cette maladie a présenté des périodes différentes :
1° poussée (1918-27) : maux de tête, douleurs dans les yeux, évanouissement, fièvre,
vomissements, périodes de coma, affaiblissement général, impotence des jambes, puis des
bras.
– 2° poussée (1927-28) : apparition de troubles digestifs importants (sténose peptique de
l’œsophage), puis troubles de la déglutition.
– 3° poussée (1939-1940) : impotence complète des muscles du cou avec douleurs dans tout le
corps. Cécité quasi-totale (elle ne distingue plus que des formes).
L’évolution de cette maladie est caractérisée par des poussées évolutives irrégulières marquées par de nouvelles lésions et comprenant des phases de rémission relatives. Les douleurs physiques,de type neuropathique, causées par cette maladie, font partie des plus intenses que la médecine
connaisse.
La maladie a donc été pour elle une lourde épreuve. Pourtant, toutes les personnes qui l’ont vue sur une cinquantaine d’années ont rencontré une personne équilibrée, joyeuse, attentive, vivante. Elle a donné le meilleur d’elle-même à ceux qui l’approchaient, et ce meilleur d’elle-même venait d’une offrande qu’ils ne pouvaient pas soupçonner. La vie et le rayonnement de Marthe Robin sont liées à l’offrande de la pauvreté d’une grande malade.
Sur l’absence d’hospitalisation pendant 50 ans
Marthe Robin est tombée malade en 1918, à une époque où il n’y avait pas le système de santé
actuel. En 1942, lorsque sa maladie a été diagnostiquée, il n’existait pas de traitement pour soigner
son encéphalite. Par ailleurs, à partir du moment où elle a commencé à vivre des expériences
mystiques, elle a été davantage considérée comme une personne mystique que comme une
personne malade, ce qui a pu éclipser, dans l’esprit de son entourage, certaines nécessités
médicales. Cependant, elle a bénéficié de visites régulières et de soins de la part d’une infirmière.
B. La mobilité
Les jambes de Marthe Robin semblent avoir été atteintes irrémédiablement. Pour les bras en
revanche, il semble qu’elle ait pu les mouvoir un peu et qu’elle ait écrit elle-même dans sa jeunesse.
Il n’est pas impossible qu’à certaines périodes de sa vie, elle se soit servie de ses bras pour se
glisser hors de son lit où elle était si mal. Ce point, délicat, doit être vu dans le respect de l’intimité
de la chambre d’un malade. Marthe ne faisait pas elle-même grand cas de sa situation d’invalide et
de dépendance extrême. Elle ne parlait que très rarement d’elle-même à ses visiteurs.
C. L’inédie
L’inédie désigne le fait de ne pas s’alimenter. Dans le cas de Marthe Robin, l’inédie n’est pas due à un choix, mais est une conséquence de sa maladie. Á partir de 1927, la maladie a touché le système digestif (avaler devenait très difficile et douloureux), puis celui de la déglutition. Le procès atteste que nul ne l’a jamais vue manger et que personne ne lui a jamais préparé de repas. Quelques témoignages ponctuels montrent qu’à certaines périodes elle pouvait absorber un peu de liquide. Mais en tout état de cause, il n’y avait pas de quoi se sustenter et survivre.
D. Les stigmates
La stigmatisation désigne le fait de porter dans sa chair des marques de la passion du Christ. Elle se manifeste par des marques sanglantes sur la peau. Plusieurs témoignages crédibles entendus lors du procès en canonisation attestent l’existence de plaies saignantes au visage et au cœur de Marthe Robin. L’analyse d’un tissu taché de sang confirme qu’il s’agit de sang humain, normal et sous forme exsudée. Cela confirme l’authenticité des phénomènes liés aux « passions » (cf. la sueurde sang du Christ à Gethsémani).
E. Les écrits
Avant le procès, on pensait que Marthe Robin était absolument incapable d’écrire, depuis le 2 février 1929, et qu’elle avait dicté tous ses textes à des tierces personnes. Or, les experts sollicités lors du procès, dont le père De Meester, ont jugé qu’elle avait probablement écrit elle-même, dans sa jeunesse, la plupart des cahiers qui ont été retrouvés après sa mort. Cette information est publique depuis 2010. Les travaux de recherche sur ses textes, menés sur une période de 10 ans, ont démontré que Marthe est un auteur, et non une plagiaire. Elle a un but, une méthode bien à elle. Elle compose soigneusement et les livres dont elle se sert ne sont que des matériaux de sa
propre construction
.
C’est ainsi que les emprunts à d’autres mystiques, soulignés par le père De Meester dans son rapport pour accréditer la thèse d’une fraude, ont été évalués par les autres experts, non comme des plagiats mais comme une manière de comprendre et relater ce qu’elle vivait. En effet, il a été jugé par les autres experts que le père De Meester oubliait, dans son analyse, d’intégrer le paramètre du temps, de la progression. Les écrits de Marthe Robin datent de sa jeunesse, à l’époque où elle commençait à vivre des phénomènes mystiques. Elle n’était pas théologienne et, sur le conseil d’un prêtre, elle a lu des auteurs mystiques qui lui ont donné des mots et des expressions pour exprimer ce qu’elle vivait. Elle s’est humblement coulée dedans. Par ailleurs, elle n’a pas simplement copié, mais adapté ce qu’elle reprenait à ce qu’elle vivait. Elle n’est pas la seule à avoir agi ainsi. Padre Pio a fait de même, dans sa jeunesse, en utilisant des paragraphes de Gemma Galgani pour décrire ses états mystiques. Par ailleurs, il est important de noter que Marthe Robin n’a pas écrit dans la perspective de publier une œuvre. Elle n’avait pas à faire preuve de la même rigueur qu’un auteur rompu à l’exercice en termes de référencement de ses écrits et de formalisation de ses emprunts
Sur l’écriture polymorphe
Les graphologues ont confirmé que les écritures différentes pouvaient être de Marthe Robin. Selon le père De Meester, cela indiquait qu’elle avait sciemment voulu tromper. Cette affirmation a été contredite par tous les autres experts. D’une part, les psychologues ont démontré, dans l’étude de son profil psychologique, qu’il n’y avait en elle aucune intention de fraude. D’autre part, les médecins ont confirmé la réalité de sa maladie, qui pouvait lui laisser la liberté d’écrire elle-même ses cahiers dans les phases de rémission de sa maladie.
Sur la demande de Marthe de brûler des lettres
Sur les milliers de correspondances de Marthe Robin, il y a deux cas connus dans lesquels elle a demandé la destruction de ses lettres. En 1936, elle a demandé à son curé de brûler le brouillon d’une lettre qu’elle lui avait dicté. En 1927, elle a demandé à une amie très proche de brûler toutes les lettres qu’elle lui avait adressées, ce qui n’a pas été fait. Marthe Robin était très intime avec cette personne, lui confiant notamment sa souffrance et sa solitude. Par pudeur, elle ne voulait pas que ces lettres soient conservées.
Sur les emprunts dans le récit des passions du vendredi
Nous possédons les notes que le père Faure (curé de Châteauneuf-de-Galaure, son premier directeur spirituel) prenait lorsqu’il était aux côtés de sa paroissienne le vendredi, pendant ses expériences de la passion. Ces notes sont d’une grande exactitude. Quand il n’entendait pas un mot, il le mentionnait. Sur 312 vendredis relatés par le père Faure (52 vendredis sur 6 ans, entre 1933 et 1938), il n’y a que deux passages où l’on retrouve des expressions de Gemma Galgani (un en1934 et un autre en 1935).
F. Eléments sur la mort de Marthe Robin
Le procès n’a pu établir de manière certaine toutes les circonstances exactes de la mort de Marthe Robin. Il convient de distinguer ce que l’on sait avec certitude et ce que l’on ne sait pas et qui peut toujours faire l’objet d’hypothèses.
Ce que l’on sait
-
- Marthe Robin avait 78 ans, c’était une personne âgée, handicapée et en très mauvaise santé. Elle est morte seule, sans témoin direct, de mort naturelle suite à une bronchite aigüe. Elle
était également très probablement atteinte d’une lésion de l’œsophage. Elle a été retrouvée, avec aux pieds, des chaussons ayant a priori déjà servi, étendue à l’extérieur de son lit. Une cuvette contenant un liquide noir et malodorant a été retrouvée après la mort de Marthe Robin, sous l’armoire de sa chambre. Les témoins ont parlé « d’excréments », mais les médecins ont évoqué la possibilité de méléna, signe d’une hémorragie du système digestif, Marthe Robin souffrant très probablement, comme précisé plus haut, d’une lésion à l’œsophage
- Marthe Robin avait 78 ans, c’était une personne âgée, handicapée et en très mauvaise santé. Elle est morte seule, sans témoin direct, de mort naturelle suite à une bronchite aigüe. Elle
Ce que l’on ne sait pas
- Le procès n’a pu établir pourquoi Marthe Robin se trouvait étendue à l’extérieur de son lit. Seules des hypothèses ont pu être avancées, sans toutefois que le procès ne conclue sur la question. Marthe aurait pu avoir, au moment de sa mort, un sursaut d’énergie (phénomène parfois observé dans les derniers instants de la vie d’une personne) lui permettant de quitter son lit à l’aide de ses bras. Le récit du père Finet concernant un éventuel combat avec le diable n’a pu être confirmé lui non plus, faute d’éléments probants. Concernant les
chaussons, l’hypothèse avancée par la postulation était que Marthe Robin ait mis elle-même ses chaussons pour tenter de se glisser hors de son lit, à l’aide de ses bras, mais le procès n’a pu conclure sur ce point et n’a pas considéré que c’était un point essentiel pour juger de l’héroïcité de ses vertus.
Marthe et le contexte dans lequel elle a vécu |
Marthe n’était pas une mystique isolée : sa vie et son témoignage de foi s’inscrivent dans un contexte
historique et géographique : elle a fondé, avec le père Georges Finet, les Foyers de Charité, œuvre
dont le rayonnement est aujourd’hui international ; elle constitue une figure spirituelle importante
de l’Église de France dans une période charnière de son histoire, avant et après le concile Vatican II.
Il est donc utile d’éclairer quelques aspects liés à la relation de Marthe Robin avec les Foyers de
Charité, le père Georges Finet et d’autres réalités et figures ecclésiales de son temps.
Le procès en canonisation a en effet permis de mieux connaître Marthe Robin, sa vie et son
message, et d’introduire des nuances dans le récit commun qui était fait de sa vie. C’est la marche
normale d’un procès en canonisation que de mieux savoir, mieux connaître et mieux expliquer.
Sur sa relation avec le père Finet
Le Père Finet a été la personne la plus proche de Marthe Robin et il est un témoin important de sa vie. Cependant l’enquête en canonisation a permis de faire apparaître des nuances entre la réalité de la vie de Marthe Robin et ce qu’en disait le père Finet. Il n’a pas toujours bien perçu les dimensions humaines de Marthe Robin, en particulier certains aspects de sa maladie. Il parlait d’elle avec enthousiasme, mettant l’accent sur les phénomènes extraordinaires qu’elle vivait, alors qu’elle-même avait plutôt tendance à les cacher. Elle n’appréciait donc pas toujours la manière dont il parlait d’elle et elle savait le lui dire, parfois avec humour. Le Père Finet était une personnalité forte qui aimait parler des choses avec un certain «lyrisme». Bien sûr, son témoignage fut une source
importante pour le procès, mais il a été, lors du procès, complété par de nombreux témoignages et avis d’experts pour avoir une vision plus ajustée du récit de la vie de Marthe Robin.
Sur le lien avec les Foyers de Charité
L’objectif d’un procès en canonisation est la recherche de la vérité. Le procès de Marthe Robin a conduit les Foyers de Charité à modifier, sur certains points, l’image qu’ils avaient eux-mêmes de Marthe. Les Foyers ne se sont pas construits autour d’un « mythe » mais d’une personne, le Christ, dont ils annoncent le message par les retraites spirituelles qu’ils proposent. Leur attractivité se fonde sur la qualité de ces retraites et non sur les phénomènes extraordinaires vécus par Marthe, qui a joué un rôle essentiel dans leur fondation et leur a livré un message spirituel qui continue de les inspirer aujourd’hui. De ce point de vue, il est à noter que le père De Meester a porté dans son
rapport, comme censeur de ses écrits, une appréciation positive du message spirituel de Marthe Robin et des conseils qu’elle donnait.
Sur la clairvoyance de Marthe Robin
La clairvoyance est un charisme, ou un don, attribué par Dieu, qui consiste à voir clair dans certains événements passés, présents ou futurs, et parfois dans certaines personnes. On dit parfois de certains saints, comme Padre Pio et le saint curé d’Ars, qu’ils « lisaient dans les âmes ». Marthe Robin ne savait pas tout : « Je n’appartiens pas au syndicat des cartomanciennes ! », disait-elle. Elle était dépendante des interprétations et ne pouvait pas vérifier par elle-même. La clairvoyance n’est ni automatique ni permanente. Elle est donnée par Dieu en certaines occasions, pour aider une personne dans une situation précise. Le procès a rassemblé pour Marthe Robin des centaines
de témoignages allant dans ce sens, mais il n’a pas établi une clairvoyance générale et permanente, sur les personnes et les événements, qui pourrait permettre de considérer que toute parole ou choix de sa part aurait été directement inspiré par Dieu. Comme toute personne humaine – et comme tout saint ! – Marthe Robin pouvait se tromper.
Cet élément est important à comprendre quand on évoque le cas de personnes qu’elle a connues et encouragées, ou qui ont travaillé avec elle, par exemple le père Marie-Dominique Philippe, Jean Vanier ou encore frère Ephraïm ; et bien sûr le père Finet lui-même. Marthe Robin aimait l’Église et a toujours encouragé les initiatives d’Église, mais ne s’est jamais considérée comme la conseillère de ces fondateurs. Elle renvoyait les personnes à leurs responsables hiérarchiques et à leur responsabilité propre. En revanche, elle a toujours promis sa prière et elle a réellement « porté » dans sa prière nombre d’initiatives nouvelles qui naissaient, de toutes sensibilités ecclésiales, avant et après le concile Vatican II. Elle a également encouragé des ordres ou communautés qui étaient ancrées de manière plus ancienne dans l’histoire de l’Église. La manière dont certaines personnes pouvaient se prévaloir de ses encouragements – en disant par exemple « Marthe m’a dit que… » – a pu donner une perception faussée de son rôle auprès d’elles. Encourager les gens à prendre des initiatives et s’associer par la prière, ce n’est pas adouber ou valider en assurant que cette validation vient de Dieu.
Marthe Robin, Radio Vatican rappelle la position des experts du Saint-Siège.
« Une enquête complexe et menée avec sérieux »
OCTOBRE 08, 2020 22:10RÉDACTIONTÉMOINS
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Marthe Robin: une héroïcité des vertus établie en tenant compte des avis critiques
La publication en France d’un livre remettant en cause la réalité des expériences mystiques vécues par Marthe Robin suscite de nombreuses interrogations. La réflexion critique de son auteur avait néanmoins été pleinement intégrée et prise en compte dans la procédure ayant mené à la reconnaissance de l’héroïcité des vertus de la mystique française décédée en 1981.
Les éditions du Cerf publient ce jeudi 8 octobre, en France, un ouvrage intitulé La Fraude mystique de Marthe Robin. Il s’agit d’un ouvrage posthume du religieux carme Conrad de Meester, décédé le 5 décembre 2019, mais qui avait signé un contrat avec cette maison d’édition dès 2012 en vue de la publication de ce livre.
Il y remet en cause l’authenticité de la vie mystique de Marthe Robin (1902-1981), une figure spirituelle connue en France pour sa vie recluse, mais aussi pour son rayonnement qui a mené notamment à la fondation des Foyers de Charité en lien avec le père Georges Finet (1898-1900), lui-même récemment mis en cause, 30 ans après son décès, sur des allégations d’abus.
Qui était Marthe Robin?
Cette jeune fille à la santé très fragile, gravement malade au point de passer quelques jours dans le coma en 1918, développe une foi très intense, qui contraste avec la relative indifférence religieuse de ses parents, catholiques mais peu pratiquants. Sa vie mystique se développe à partir des années 1920, avec le soutien des prêtres qui lui rendent visite. Bien que souffrante, atteinte d’une maladie qui lui fera perdre sa vue et sa mobilité, Marthe Robin laissera à ceux qui l’ont rencontrée le souvenir d’une personnalité joyeuse et ouverte. Cette période sera celle de ses premières visions de Marie et de Jésus.
À partir de 1930, Marthe Robin ne se nourrit plus que de l’hostie consacrée et ne sortira quasiment plus jamais de sa chambre, à Châteauneuf-de-Galaure, sa commune natale où elle est restée toute sa vie. Elle vivra plus de 50 ans dans cette situation « d’inédie », le terme médical définissant l’absence d’alimentation. Ses cinq décennies de survie dans cette condition demeurent un mystère médical et un sujet de controverse.
1930 est aussi l’année des premiers stigmates, qu’elle recevra chaque vendredi à partir de 1931, en union avec la Passion du Christ. Sa fatigue et sa faiblesse physique ne l’empêchent pas de recevoir de nombreux visiteurs, parmi lesquels les cinq évêques successifs de Valence, qui croiront pleinement en sa sincérité et qui soutiendront son œuvre. Environ 100 000 personnes auraient personnellement rencontré Marthe Robin au long de ces cinquante années, recevant d’elle des conseils spirituels qui ont accompagné leur vocation, leur engagement dans une vie consacrée ou familiale, parfois aussi un chemin professionnel ou artistique. Elle a inspiré la création des Foyers de Charité en 1936, le premier étant situé à Châteauneuf-de-Galaure, dans la Drôme, là où elle résidait. Elle a joué un rôle important également dans la création d’autres communautés nouvelles, notamment la Communauté de l’Emmanuel.
Sa vie s’achève en février 1981, dans un état d’épuisement extrême: selon des témoins, dans les jours précédant son décès, elle ne pesait plus qu’entre 25 et 30 kilos. Ses obsèques, le 12 février 1981, seront concélébrées par quatre évêques et 200 prêtres. Une aura de sainteté l’entoure alors dans la mémoire collective de nombreux catholiques français, et son procès en béatification s’ouvre dans le diocèse de Valence dès 1986, soit cinq ans plus tard, un délai exceptionnellement court.
Une enquête complexe et menée avec sérieux
Spécialiste reconnu des œuvres de Sainte Thérèse de Lisieux, sainte Élisabeth de la Trinité ou encore sainte Edith Stein, le père de Meester a fait partie des experts consultés dans le cadre de la cause de béatification de Marthe Robin. Dans la préface de son livre, il affirme que ses remarques n’ont pas été sérieusement prises en considération durant la phase romaine de la procédure, et qu’il n’a pas reçu de réponse à ses objections. Mais l’évolution de la procédure ne donne généralement pas lieu à des communications individuelles aux experts concernés, une fois leur contribution intégrée dans le dossier.
L’enquête diocésaine sur la vie et les vertus de la Vénérable Marthe Robin avait été instruite de 1988 à 1996 dans le diocèse de Valence, en France, sur le territoire duquel se situe Châteauneuf-de-Galaure. Le père de Meester avait alors été nommé censeur théologique, avec la charge d’évaluer les écrits de Marthe Robin. Il avait accompli cette mission en étant assermenté, et donc astreint au secret professionnel.
Dans son rapport, le théologien soulevait certains problèmes liés notamment à la dimension mystique de Marthe Robin, expliquant notamment qu’elle était certes handicapée mais non pas paralysée, ni aveugle comme elle l’affirmait, car elle avait rédigé certains écrits de sa propre main. Il soulignait par ailleurs que presque tous ses écrits ou récits d’expériences mystiques peuvent être attribués à d’autres auteurs spirituels, qui ne sont jamais cités.
L’ensemble des positions critiques du père de Meester, avec aussi d’autres éléments concernant notamment l’étude graphologique et l’évaluation médicale, avaient été intégrées dans la Positio super virtutibus, c’est-à-dire le rapport sur l’héroïcité des vertus établi par la Congrégation pour les Causes des Saints. Tous ces éléments ont donc été étudiés de façon très méthodique, d’abord par les consulteurs théologiques, et ensuite par les cardinaux et évêques membres du Dicastère, qui en sont arrivés à un jugement positif sur l’exercice héroïque des vertus de la part de Marthe Robin.
La publication du décret en ce sens avait été autorisée par le Pape François le 7 novembre 2014. Marthe Robin est donc considérée par l’Église comme Vénérable, et l’attribution d’un miracle dû à son intercession demeure le critère requis dans la perspective d’une éventuelle future béatification.
(c) Vatican News
OCTOBRE 08, 2020 22:10TÉMOINS
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